Auteur Maurice Nicollet

 

EXTRAIT DU LIVRE PAPY BLUES


PAPY BLUES

 

Ce matin-là, il avait gravi la « montagnette » plus lente­ment, plus péniblement que les autres jours.

La montagnette était une petite montagne derrière chez lui, il l’appelait ainsi car ce n’était pas une vrai montagne,  une grosse colline,  mais très aride dans sa première partie,  et surmontée d’un  bois de résineux  à la cime.  Tout à fait en haut : un piton rocheux, pour escalader ou plutôt s’entraîner à l’escalade.

 

C’était une « ballade de santé » que d’aller se promener sur ce rocher, on arrivait à la cime facilement, et tout confondu, la promenade matinale durait une heure tout au plus. Arrivé en haut du  rocher on  avait une vue imprenable sur Gap  et les environs, et ceci effaçait toutes ses peines.

 


 

Mais aujourd’hui la montée l’avait essoufflé,  il avait été obligé de s’arrêter une paire de fois, ce n’était pas dans ses habitudes. Il en conclut qu’il vieillissait. Il venait de passer ses 70 printemps et il ne voulait pas se l’avouer mais les marches en  montagne se faisaient de plus en  plus dures ; mais il marchait, et tant qu’il en serait ainsi il n’avait pas à se plaindre. Tant de ses amis étaient morts,  grabataires ou  ne sortaient plus, qu’il devait s’estimer heureux. Et puis, il avait toujours en mémoire ces vers de Victor Hugo ; ceux qui vivent sont ceux qui luttent... Mais néanmoins il était bien heureux d’être arrivé au sommet.

Et voilà que pour la première fois de sa vie il pensait à la mort, enfin de cette façon là. Oh la pensée de mourir l’avait quelques fois effleuré, mais il avait toujours eu l’impression que l’échéance était lointaine.  Ce n’était pas une idée qui devait traverser la cervelle des « jeunes », et à 70 ans il se sentait tellement jeune...

Mais pourtant il fallait bien admettre qu’il avait vieilli, la montagnette venait de le lui rappeler.

Depuis un an, il avait perdu sa chienne qui l’accompagnait dans toutes ses sorties, et moralement il avait accusé le coup. Pendant quelques temps il n’était plus retourné là-haut au « rocher des druides » il n’en avait pas envie ; car il revoyait toujours sa « bête » (comme il l’appelait), qui l’attendait au pied des parties trop escarpées. Il la revoyait assise, le museau pointé vers le pic, inquiète de voir son maître grimper vers la cime. Peut-être avait-elle conscience du danger que ce « jeune vieillard » ne pressentait pas ! Toujours est-il, qu’immanquablement il la retrouvait à son poste de sentinelle, et il fallait voir ses manifestations de joie, lorsqu’il descendait.

Puis les mois avaient passés, son  chagrin  s’était un  peu estompé, il avait repris ses balades, et de nouveau «attaqué  le piton rocheux; à sa première escalade il avait eu l’impression de réaliser une première.

 

Du temps avait passé depuis la disparition d’Haska. J’avais plusieurs fois remonté la montagnette  pour accéder au rocher des Druides.

Les petiots avaient tous grandis. Sebou venait d’avoir 10 ans il  était temps que je l’emmène en montagne.

 

La montagnette était l’endroit idéal pour une première, Seb l’aîné était partant pour ça.

Par un matin de beau temps, je décidais de lui faire connaître les joies de l’escalade, et le rocher était une excellente initiation.

On est partis donc le matin de bonne heure. Une corde, un sac tyrolien avec casse croûte, une boisson rafraîchissante, un quart de rosé, à boire avec modération, et nous voilà partis pour une matinée de grimpette  hors du logis.

 

Arrivés au pied du rocher des Druides, je lui donnais les principales recommandations pour l’escalade des 10 mètres de grimpette. Et le passage des quelques mètres «d ‘à pic». Sebou assuré, je montais le premier en lui indiquant comment franchir les passages dangereux.

Au début Seb était un peu frileux, les difficultés passées il se rassura  le fait qu’il soit encordé et maintenu serré lui donna confiance.

Une  bonne demi-heure et nous étions au bout de nos peines et arrivions au sommet.

Je ne vous dis pas quelle satisfaction, lorsque arrivés au sommet il découvrit le paysage qui nous entourait. 

Quel spectacle !  Gap à nos pieds, à perte de vue on distinguait le Luberon, un peu à droite, et plus prés la Freissinouse, et une partie de Bure à gauche, Céuse et sa falaise, paraissait à portée de voix, tout à droite, Charance  nous barrait le Champsaur.

 

Comme il était encore tôt, Charance se dégageant de la brume, son château avait encore allumé ses feux dans le brouillard du matin.

 

Ainsi  notre SEB découvrait les joies de la balade en montagne.

 

 


Lorsque tout a coup, en bas au pied du rocher un chien loup apparut, ressemblant à Haska il nous rappela notre chienne que nous avions tant aimée. Poussant des  petits aboiements comme faisait notre bête lorsque j’étais au sommet du rocher des Druides. 

Six années avaient passées, un instant on crut avoir remonté le temps, mais le chien disparut comme il était venu.

On s’est regardé avec Seb, c’était bien une apparition ou un de ces phénomènes surnaturels qui font apparaître certaines images comme réelles  lorsque  notre esprit inconsciemment reproduit l’image que l’on voudrait voir ? 

Le chien était maintenant reparti, on analysa qu’il nous avait certainement suivi, et ainsi rappelé nos souvenirs de vacances lorsque Sebou venait aux Fauvins.

C’est ainsi que les larmes aux yeux, nous reprenions la descente.

On décida de ne parler à personne de cette apparition, et reprenions le chemin du retour vers d’autres aventures.

Et il était temps pour que je l 'emmène en montagne pour l'initier à l'escalade simplement.

 

(à suivre).